
INTRODUCTION
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L’automobile moderne a été trahie par ceux qui l’ont créée. Ce n’est plus qu’un spectre de ce qu’elle fut, une ombre vidée de son essence. Sous le prétexte de sauver la planète, les politiques environnementales et les normes étouffantes ont réduit ces machines à des outils dociles, dépourvus de leur âme. Derrière cette façade écologique se cache une répression brutale. Les gouvernements, obsédés par leur image et leur soif de contrôle, ont étranglé le rugissement viscéral des moteurs sous une avalanche de lois et de restrictions. Chaque nouvelle réglementation est une lame supplémentaire, taillant dans la passion mécanique jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un souvenir. Ces machines, autrefois vivantes, ne sont plus que des carcasses ternes d’une société qui a oublié ce que signifiait aimer la route, sentir l’exaltation brute d’un moteur vibrant sous les mains. Pourtant, tout n’est pas perdu.
Cette étincelle de passion persiste, cachée dans les murmures des moteurs clandestins qui, sous le couvert de la nuit, refusent de mourir. Chaque nuit, loin des regards et des règles, des hommes et des femmes s’approprient les routes. Sur le Shuto Kōsoku de Tokyo, des moteurs hurlants continuent de déchirer le silence, défiant la conformité imposée par le jour. Ce n’est pas seulement une course : c’est une lutte pour exister, une déclaration d’amour à une époque où vivre signifiait accélérer sans limites.
Il fut un temps où les routes de Tokyo appartenaient aux Bosozoku et aux Hashiriya, ces seigneurs de l’asphalte qui transformaient chaque rue en arène et chaque voiture en arme. Les années 80 et 90 étaient un âge d’or, où les machines étaient forgées pour une vitesse brute et sans compromis. C’était l’époque des légendes comme la Team Mid Night, qui régnaient sans partage sur le Wangan, défiant la gravité et les lois pour atteindre des vitesses que peu osaient imaginer.
Ces pilotes, organisés et implacables, menaient chaque course comme un duel silencieux, cherchant à inscrire leurs noms dans l’asphalte et dans l’histoire. Tokyo est désormais une ville double : docile et disciplinée sous le soleil, féroce et imprévisible sous la lune. Sur les parkings du Shuto, des récits chuchotés évoquent des exploits d’un autre monde, tandis que l’adrénaline monte sur les longues lignes droites du Wangan. Chaque nuit, la ville change de visage, et ceux qui osent s’y aventurer jouent bien plus que leur réputation : ils mettent leur liberté, leur futur, et parfois leur vie en jeu. C’est dans cette tension, entre héritage et modernité, entre lumière et ombre, que tout se joue. Les noms restent flous, les visages anonymes, mais les rugissements des moteurs hurlent à leur place. Ceux qui vivent pour ces instants ne cherchent pas simplement la victoire : ils cherchent un moment d’évasion, une preuve que la passion ne peut pas être étouffée.
Bienvenue dans leur univers. Une ville qui ne dort jamais, où les rêves s’écrivent en vitesse et en lumière. Bienvenue dans Tokyo Midnight Run, cette ligue clandestine où chaque course est une lutte pour exister sur le Shuto.
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CHAPITRE 1
SOUS PRESSION
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Hiro vérifiait une dernière fois les réglages de sa voiture sous les néons du garage.
La grande course nocturne approchait, et l'excitation était palpable. À côté de lui, Taro, son ami mécanicien, jetait un coup d'œil nerveux vers l'entrée.
— Tu crois qu'Akira va bien?" demanda Hiro.
Taro hocha la tête.
— Il se cache dans l'atelier du fond. Avec son passé, il doit être prudent. Mais il a promis de nous aider.
Akira était un ancien membre d'un gang de Bosozoku, ayant autrefois plongé dans des activités illégales.
Un accident tragique l'avait poussé à changer de vie, mais son passé criminel le hantait toujours. Caché sous une nouvelle identité, il se terrait dans le garage de Hiro, espérant échapper à la police et à ses ennemis.
Alors qu'ils discutaient, la silhouette d'Akira apparut dans l'ombre de l'atelier.
— La police est sur mes traces. Nous devons être prudents ce soir, murmura-t-il.
La tension monta d'un cran. La nuit promettait d'être longue et dangereuse, mais Hiro et Taro savaient qu'ils pouvaient lui faire confiance.
Le grand jour était arrivé. Hiro et Taro se dirigèrent vers le Tatsumi PA, le point de rendez-vous pour la course légendaire sur le C1. Les voitures modifiées rugissaient déjà, prêtes à en découdre sur le périphérique de Tokyo. Akira, caché à l'arrière du garage, regarda Hiro et Taro avec une détermination nouvelle.
— Je vais vous accompagner. Ce soir, nous allons montrer à tout le monde ce dont nous sommes capables.
La nuit tombait sur Tokyo, et les lumières de la ville scintillaient comme des étoiles. Les participants se rassemblèrent, échangeant des regards pleins de défis. La course allait bientôt commencer, et tous savaient que cette nuit serait mémorable.
Les moteurs vrombissaient au Tatsumi PA, faisant vibrer l'air lourd de tension. Hiro serra le volant de sa Skyline R31, son RB26DET fraîchement swapé grondant avec impatience. Autour de lui, les autres pilotes se préparaient : une Supra MK3, une RX-7 FD, et même une vieille Fairlady Z.
Taro, installé sur le siège passager, vérifiait les paramètres sur l'écran.
— Tout est bon. Mais fais gaffe, Hiro, c'est un swap. Si on a mal monté un truc, ça pourrait lâcher.
Hiro hocha la tête, concentré.
— Ce soir, c'est mon tour.
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CHAPITRE 2
LE POIDS DU PASSÉ
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Les gyrophares illuminaient l’autoroute, se reflétant sur les rails métalliques de sécurité. Assis dans la Skyline, immobile sur la bande d’arrêt d’urgence, Taro et Hiro retenaient leur souffle.
Hiro agrippait le volant comme si sa vie en dépendait, les yeux fixés sur le rétroviseur où les lumières bleues clignotaient au loin. Taro, à côté, jouait nerveusement avec la sangle de sa ceinture de sécurité.
— Comment on en est arrivés là ? murmura Hiro, la voix basse, presque tremblante.
Cette question fit écho dans leurs esprits, les ramenant à une époque où tout était plus simple.
Quelques années plus tôt, ils n’étaient que deux gamins sur leurs scooters, se faufilant la nuit jusqu’à Daikoku PA pour admirer les voitures des plus grands.
Les GT-R, les Supra, les RX-7…
Ces monstres mécaniques semblaient inaccessibles, mais ils incarnaient tout ce à quoi ils aspiraient.
Les nuits à scruter les lignes des carrosseries et à rêver d’un avenir derrière un volant avaient cimenté leur amitié. Ce lien, forgé dans les vapeurs de carburant et les conversations interminables, les avait conduits là où ils étaient aujourd’hui.
Plus tard, quand ils avaient enfin leurs propres voitures Hiro avec sa modeste Daihatsu Mira et Taro avec une Suzuki Alto bas de gamme, ils étaient retournés au Daikoku PA, cette fois avec l’ambition de se faire un nom.
Ce soir-là, un rugissement de moteurs avait interrompu l’atmosphère paisible du parking.
Les White Emperors, un gang de bikers Bosozoku, avaient débarqué en force, menés par leur leader charismatique, Akira.
Avec son casque au design flamboyant et sa Kawasaki Z2, Akira avait attiré tous les regards. Mais c’était sur eux qu’il s’était arrêté.
— Une Mira et une Alto, sérieux ? Vous êtes là pour apprendre ou juste pour observer ? avait-il lancé avec un sourire moqueur, mais curieux.
Ce fut le début de quelque chose de plus grand. Akira les avait intégrés à son monde, leur enseignant les codes tacites de l’underground tokyoïte : les courses clandestines, les règles, et surtout, tous les dangers
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CHAPITRE 3
PARTIE 1 : L'ÉVASION
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Dans la nuit épaisse, Taro et Hiro, encore secoués, se cramponnaient aux motos qui filaient à toute allure. Akira, devant eux, tourna légèrement la tête, leur lançant un regard rassurant et un sourire en coin.
— Tout va bien se passer,
dit-il d'une voix ferme, couvrant le grondement des moteurs.
Pendant ce temps, Akira décrocha l'intercom de son casque et appela un ami.
— Écoute, sors le Dekotora. On a besoin de toi sur le C1, y a une voiture à enlever.
De l'autre côté, une voix répondit sans hésitation
— Oui, Kantoku !
Le titre "Kantoku," signifiant simplement "chef," marquait l’autorité incontestée d’Akira au sein du groupe.
e Dekotora de marque Hino surgit dans un éclat de lumière, ses néons illuminant la route comme un spectacle ambulant. Le dragon flamboyant peint sur sa cabine semblait prendre vie sous les flashs des gyrophares de la police.
Il traversa le barrage des White Emperors, qui continuaient de ralentir les forces de l’ordre, permettant aux membres du gang de charger la R31 sur le plateau en moins de deux.
En quelques minutes, le camion s’évanouit dans la pénombre, comme un fantôme.
Après leur sortie à vive allure du C1, Akira et un membre des White Emperors conduisirent Taro et Hiro jusqu'à un parking discret en périphérie de Tokyo.
Une vieille Toyota Cresta noire, discrète, aux vitres teintées, les attendait. Au volant, un homme au crâne rasé au regard dur leur fit un signe, confirmant que tout était sous contrôle. Akira hocha la tête avant de se tourner vers Taro et Hiro
— On se retrouve plus tard.
Sans perdre un instant, Taro et Hiro s’engouffrèrent dans la voiture, escortés à bonne distance par une moto des White Emperors. La nuit semblait à nouveau calme, mais le danger restait proche.
FIN DU CHAPITRE 3 PARTIE 1 L'ÉVASION
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CHAPITRE 3
PARTIE 2 : LE RETOUR DES WHITE EMPERORS
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Quelques heures plus tard, dans une zone industrielle délabrée à l’est de Tokyo, près du quartier de Kamata, Akira retrouvait un lieu chargé de souvenirs. Ce coin oublié, aux hangars rouillés et ruelles mal éclairées, semblait figé dans le temps. Le Dekotora, garé à l’écart, faisait office de gardien silencieux, avec la R31 soigneusement dissimulée sous une bâche.
À l’intérieur, les anciens membres des White Emperors étaient déjà réunis. Malgré les années, leur discipline restait intacte. Ils s’étaient alignés de part et d’autre de l’entrée, formant deux rangées impeccables en "tokkōfuku" blancs. Ces uniformes traditionnels des Bosozoku, ornés de slogans audacieux et de motifs brodés, étaient à la fois intimidants et respectueux des codes de leur groupe.
Lorsque la porte du hangar s’ouvrit et qu’Akira entra, les regards se levèrent en silence. Il avançait entre les deux rangées, son pas mesuré résonnant sur le béton. Chaque membre se tenait droit, dans une posture qui traduisait un respect absolu pour leur chef. Le blanc immaculé des tokkōfuku, illuminé par la lumière vacillante des néons du hangar, accentuait l’aura solennelle de la scène.
"Kantoku," dit l’un des lieutenants, inclinant légèrement la tête. Les autres suivirent le mouvement, affirmant l’autorité intacte d’Akira.
Akira, toujours droit et imposant, observa le groupe d’un regard calme.
— Vous avez bien fait de répondre à l’appel,
déclara-t-il, d’une voix posée mais ferme.
— Ce soir, vous avez montré que l’esprit des White Emperors est toujours vivant.
Un murmure d’approbation parcourut la salle, mais personne n’osa briser l’ordre en parlant à voix haute. Puis, un ancien lieutenant se risqua :
— Kantoku… Mais où est-ce que vous étiez pendant tout ce temps ?
Akira fixa un instant l’homme, son visage impassible.
Puis, après une pause calculée, il répondit :
— Là où je devais être. Mais vous ne m’avez jamais quitté."
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CHAPITRE 3
PARTIE 3 : DUEL
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Après quelques instants, Akira se dirigea vers un ancien panneau mural. D’un geste précis, il révéla une pièce cachée derrière.
Lorsqu’il en ressortit, il tenait deux pistolets Beretta 9 mm. Les tendant à deux soldats recommandés par les lieutenants, il déclara :
— Montez sur le toit. Donnez toutes les informations nécessaires à l’approche des ennemis. Et surtout, n’utilisez ces armes qu’en dernier recours. Ce n’est pas dans nos habitudes, mais ce soir, nous devons être prêts à tout.
Akira les regarda partir, puis tourna son attention vers les autres.
— Restez concentrés. Quand le Yūrei dan arrivera, nous serons prêts à défendre ce qui est à nous.
Les deux soldats, armés des Beretta 9 mm, quittèrent rapidement le hangar et s’engouffrèrent dans l’escalier métallique menant au toit. Le bruit de leurs pas résonna un instant avant de disparaître dans le silence pesant de la nuit.
En haut, la vue panoramique de l’ensemble de la zone industrielle leur offrait une perspective claire sur les rues environnantes.
L’un des soldats, les yeux plissés, murmura à son camarade :
— On doit repérer tout mouvement suspect avant qu’ils approchent. Aucun détail ne doit nous échapper.
L’autre acquiesça, s’accroupissant près du bord pour mieux observer. L’obscurité était seulement rompue par les rares lampadaires des rues désertes. Le bruit lointain des moteurs de motos commençait à percer le silence, un grondement sourd qui semblait se rapprocher à chaque seconde.
Soudain, une voix puissante se fit entendre depuis le toit :
— Les Yūrei dan arrivent !
Le cri fit écho dans la zone, augmentant la tension d’un cran. Un murmure parcourut les rangs, mais Akira leva une main, imposant le silence.
— Restez concentrés, ordonna-t-il.
— Nous allons leur montrer pourquoi cet endroit est encore le nôtre.
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CHAPITRE 4
L'OMBRE DES ONISHI
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Un silence glacial envahit l’air lorsque la Toyota Century noire, propulsée par un V12, véritable fierté japonaise, imposait son autorité rien qu’en grondant doucement sous le capot s’arrêta avec une autorité écrasante au milieu du bout de la rue. Même les plus téméraires des membres du Yūrei-dan hésitèrent, leurs regards oscillant entre leur Kantoku, le chef Bosozoku, Matsuda, et la voiture. Les portières arrière s’ouvrirent enfin, et un homme descendit avec une lenteur exagérée.
Kyo Onishi, Oyabun actuel du clan Onishi, émergea avec une nonchalance qui provoquait immédiatement une irritation presque physique. Son costume moderne, impeccablement taillé, était accompagné de bijoux en or ostentatoires, une chaîne massive autour du cou et des bagues scintillantes à presque chaque doigt, captait la lumière avec éclat, renforçant l’aura d’autorité qu’il dégageait. Ses chaussures en cuir verni, ornées de motifs en relief imitant la peau de crocodile, claquèrent contre le sol en béton alors qu’il avançait d’un pas paresseux, sans même daigner regarder les hommes qui s’alignaient sur son passage, guidés par un mélange de crainte et de respect. Leur geste n’était pas seulement formel : c’était une manière de reconnaître l’autorité impitoyable de Kyo Onishi, tout en évitant d’attirer son courroux. Chaque mouvement semblait pesé, comme s’ils traversaient un pont de cordes suspendu au-dessus d’un gouffre sans fond, où le moindre faux pas leur serait fatal.
Il s’arrêta, plaça ses mains derrière son dos et observa la scène, un sourire narquois étirant ses lèvres fines. Ce n’était pas un sourire accueillant. C’était celui d’un souverain satisfait, imposant son autorité avec une jouissance subtile, savourant le respect mêlé de crainte qu’il lisait dans les regards baissés.
— "Quelle agitation inutile. Matsuda, Akira… Vous avez vraiment le chic pour transformer une nuit calme en désastre." Sa voix était douce, presque un murmure, mais chaque mot résonnait comme une provocation.
Akira, toujours dos à lui, serra les poings en silence. Ce sourire suffisant, cette manière de minimiser tout le monde… C’était précisément ce qui faisait de Kyo Onishi une figure si haïe, même parmi ses alliés. Akira inspira profondément avant de se tourner, une cigarette Seven Stars pendant au bord de ses lèvres
— "Si t’es là juste pour débiter tes conneries, tu ferais mieux de fermer ta gueule."
Le regard de Kyo Onishi se posa sur lui, perçant comme une lame, mais son sourire s’élargit encore, avant qu’il ne fasse un geste rapide de la main. Ses hommes, bien entraînés, s’avancèrent brusquement et attrapèrent Akira par les bras, le forçant à fléchir légèrement sous leur poigne.
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CHAPITRE 5
L'ENLÈVEMENT
Note de l’auteur :
Les événements décrits dans ce chapitre se déroulent simultanément avec ceux des chapitres 3, partie 2, et le chapitre4.
Cette perspective parallèle explore un autre angle de l’histoire, offrant un éclairage supplémentaire sur les actions et décisions des personnages
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Au moment même où Akira avançait dans les ombres pesantes du hangar pour retrouver ses hommes alignés avec une précision militaire, à plusieurs kilomètres de là, une Toyota Cresta noire glissait silencieusement sur le bitume déserté de Tokyo.
Le calme s’était invité dans l’habitacle de la Toyota Cresta, comme un visiteur inattendu. La voiture glissait sur le bitume, presque flottant au-dessus de la ville endormie, chaque virage avalé avec une douceur hypnotique. À l’intérieur, le ronronnement du moteur semblait murmurer des promesses de sécurité, mais le poids de la nuit restait suspendu dans l’air, intangible et lourd.
Derrière eux, dans l’ombre des phares, une moto solitaire suivait, silencieuse mais omniprésente, comme un spectre veillant sur les âmes de ses passagers. Le son de son moteur, instable et volatile, dansait dans l’obscurité, se mêlant au souffle léger du vent. C’était une présence discrète mais inébranlable, un rappel que même dans ce calme apparent, une tempête pouvait toujours se cacher à l’horizon.
Peu à peu, le poids de la nuit s’imposait. Les paupières de Hiro devinrent lourdes, son esprit encore marqué par les images du chaos, mais son corps ne pouvait plus lutter. À côté de lui, Taro glissa lentement dans un état d’assoupissement, bercé par les mouvements réguliers de la Cresta. Leurs respirations se faisaient lentes, presque synchronisées, tandis que l’habitude rassurante du ronronnement moteur semblait les envelopper.
Puis, soudain, quelque chose changea. Hiro ouvrit légèrement les yeux, troublé par une sensation étrange. Il tendit l’oreille. La moto. Le son de la moto avait disparu. Le ronronnement rassurant qui les accompagnait jusque-là s’était volatilisé, laissant un vide dérangeant dans l’air.
Avant qu’il n’ait le temps de réagir, un crissement strident perça le silence. Le conducteur de la Cresta, un homme au crâne rasé dont l'allure sérieuse inspirait confiance, écrasa les freins avec instinct et professionnalisme, projetant Taro et Hiro en avant. Dans le même mouvement, sa main glissa rapidement vers un Beretta 9 mm posé sur le siège passager, prêt à réagir à la moindre menace. D’un ton directif et sans appel, il ordonna :
— "Mettez-vous à couvert, derrière les sièges !"
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CHAPITRE 6
KAMATA VICE
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Kamata, quartier à double visage, offre un contraste frappant entre son centre encore animé et ses friches industrielles désertées. Le cœur du quartier vibre toujours sous l’effervescence de ses commerces et l’agitation quotidienne des habitants. Ici, les rues sont illuminées par les néons des izakayas, et les trains bondés du Keikyu Line transportent une foule incessante, symbole d’une Tokyo en perpétuel mouvement.
Mais à quelques pas seulement, une autre réalité s’impose. Loin de l’énergie du centre, les vestiges de l’ère industrielle s’étendent comme un territoire oublié. Dans ces zones reculées, les entrepôts abandonnés et les usines désaffectées se dressent comme des cicatrices d’un passé prospère, englouties par le déclin économique des années 1990. Ce paysage désolé, rongé par la rouille et plongé dans l’obscurité, est devenu un repaire pour les marginaux, les mystères et les White Emperors.
Lorsque le clan décida de s’établir à Kamata à la fin des années 90, ce choix n’était pas un hasard. Stratégiquement située à proximité de l’aéroport de Haneda et traversée par des axes routiers majeurs, Kamata bénéficiait d’un flux constant de camions transitant entre les docks de la baie de Tokyo et le centre-ville. Ce trafic dense offrait une couverture idéale pour intégrer discrètement des marchandises dans leurs cargaisons, en utilisant les zones industrielles abandonnées comme points de stockage et de redistribution.
C’est dans cette atmosphère pesante qu’un grondement rauque s’éleva au loin. Entre les murs délabrés et les ombres, des phares ternis percèrent l’obscurité. Une Toyota Cresta Twin Cam noire progressait lentement, son moteur usé crachotant de manière erratique à chaque poussée d'accélérateur.
Le ronronnement de la Cresta, autrefois précis, s’était alourdi avec le temps, marqué par l’usure et les épreuves. Ses jantes SSR Longchamp ternies ajoutaient une touche distinctive à sa silhouette, mais elles trahissaient également les années écoulées depuis leur éclat. La suspension rabaissée effleurait les aspérités de la route, déclenchant parfois des étincelles. Elle portait les stigmates d’un passé tumultueux : des bosses, des rayures profondes et une peinture écaillée, autant de marques des épreuves qu’elle avait traversées.
Akira, toujours le tantō appuyé contre la gorge du Wakagashira de Kyo, tourna la tête en direction de la voiture. Son regard s’arrêta sur la silhouette basse et familière de la berline. Il plissa légèrement les yeux, comme pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.
« Cette voiture… » pensa-t-il, la reconnaissant immédiatement. Une vague de surprise traversa son visage, bien qu’il s’efforçât de garder une expression neutre. C’était bien elle. La Cresta qui avait pris en charge Taro et Hiro après leur fuite sur le C1.
Il resserra sa prise sur le tantō, ses pensées s’embrouillant brièvement. Pourquoi cette voiture était elle ici ? Que signifiait sa présence maintenant ? Akira inspira profondément, dissipant toute trace d’émotion pour se reconcentrer. Il ne pouvait se permettre de relâcher son attention sur le Wakagashira de Kyo ou sur la situation tendue qui l’entourait.
hate de lire la suite !